Il a misé sur le bon cochon

05. septembre 2019


En plus de 20 ans de travail passionné, Lori Spuhler a transformé sa ferme «Ifanghof» à Wislikofen AG en ferme modèle pour l’élevage porcin strictement bioconforme. Et les résultats qu’il atteint avec son travail supplémentaire lui donnent raison sur tous les plans.


Il y a entre Mellikon et Rümikon un panneau indicateur portant l’inscription Wislikofen. La route conduit loin de l’axe principal à grand trafic qui transporte les gens et les marchandises le long du Rhin à travers le district de Zurzach. Et on se sent très vite nettement plus au calme. Les routes deviennent plus étroites, le Rhin est remplacé par le ruisseau du Tägerbach, et au lieu des bâtiments industriels et des pompes à essence, le regard passe des vertes prairies aux collines couvertes de forêts. Wislikofen, siège d’un prieuré qui est aujourd’hui le centre de formation de l’église catholique argovienne, est un petit village près de la frontière allemande, à 349 mètres d’altitude, qui comptait 342 habitants en 2018 (un de plus que l’année d’avant) – et quelque 300 cochons qui bénéficient sur le domaine «Ifanghof» de Lori Spuhler de conditions d’élevage qui sont extraordinaires même pour des fermes bio.


Lori Spuhler est un gagnant franc et fiable; le sourire lui va aussi bien que les habits de travail. Et il n’a encore jamais eu peur du travail quand il s’agissait de refaire de la ferme de ses parents un domaine florissant. «Mon père a dû arrêter quand j’avais six ans parce que son dos ne voulait plus rien savoir», raconte Lori Spuhler. L’Ifanghof a ensuite été loué et beaucoup de choses étaient en mauvais état quand il s’est retrouvé en 1994 avec sa femme devant la question fondamentale de savoir s’il voulait retourner là où il avait grandi. Les Spuhler ont dit oui. Avec toutes les conséquences que cela impliquait.

«Nous avions naguère des vaches, mais cela n’en valait plus la peine», raconte Spuhler, «donc nous avons misé sur les cochons. Nous avons dû apprendre beaucoup et même énormément de choses pour arriver là où nous en sommes aujourd’hui.» Il est arrivé plusieurs fois à Lori Spuhler de travailler tellement que sa santé lui a joué des tours. Mais quand il regarde aujourd’hui sa ferme, la satisfaction se lit sur son visage tellement il est content d’avoir misé sur le bon cheval – ou plutôt sur le bon cochon.

Abris chauffés avec isolation en coco

La ferme est aujourd’hui un modèle pour l’élevage biologique; partout des chemins mènent en plein air, tout est conforme à l’espèce porcine, propre (comme le cochons le sont du reste aussi), et même les abris chauffés dans lesquels les porcelets passent les trois premières semaines de leur vie près de leur mère sont pourvus de plaques d’isolation en fibre de coco biologiquement dégradable. Lori Spuhler a accordé depuis des années de la valeur aux points qui sont aujourd’hui considérés par les consommateurs comme les plus importantes raisons d’acheter de la viande bio: élevage conforme aux besoins des différentes espèces, moins de résidus de pesticides et de polluants, diminution des quantités d’antibiotiques utilisés dans la production animale.


Lori Spuhler suit avec autant de cohérence la voie bio pour l’affouragement; l’herbe et le foin (pour la santé des estomacs) ainsi que les céréales proviennent en majorité de sa propre ferme. Les aliments complémentaires, tous de la meilleure qualité bio, viennent de Suisse ou d’Europe. Son regard exercé remarque tout de suite si une bête ne va pas bien. Le soin avec lequel il respecte le Cahier des charges du Bourgeon, et même parfois le surplus de travail par rapport aux directives obligatoires, ne sont pas du tout uniquement idéologiques. Car cet engagement a aussi un sens sur le plan économique, parce qu’il a grâce à ses efforts davantage de gorets en meilleure santé qu’il peut vendre à des fermes (régionales et biologiques) d’engraissement. Les prix de la viande de porc sont certes maintenant sous pression, mais celui qui travaille bien conserve toutes ses chances d’avenir dans ce domaine – même en Suisse.

32 truies qui produisent chaque année entre 750 et 800 gorets

Les 32 truies qui vivent sur l’Ifanghof donnent aux Spuhler entre 750 et 800 gorets par année. Les truies sont «accompagnées» par «Köbi», le verrat de 300 kg, mais Lori Spuhler travaille aussi avec l’insémination artificielle «parce que deux verrats dans la même ferme, ça marche en général moins bien». Et Köbi ne donne pas l’impression que l’on doive perdre ses faveurs et celles de «ses» truies.


Les gorets passent quelque dix semaines de leur vie chez les Spuhler, qui travaille avec ses bêtes selon un tournus de trois semaines – les trois premières semaines vers leur mère et dans l’abri chauffé, ensuite ils passent avec d’autres truies et porcelets dans la stabulation en groupes où ils nouent des contacts sociaux, essaient leurs premiers aliments solides et jouent avec la paille. Après un allaitement de six semaines, ils passent définitivement du lait à l’alimentation solide. Les gorets passent alors les trois à quatre semaines restantes entre eux – bien sûr toujours avec une bonne litière de paille et parcours en plein air.

Ils déménagent ensuite au village voisin dans la ferme de Christian Rüede où ils vont atteindre leur poids d’abattage d’environ 113 kg en vivant dans des conditions naturelles qui vont même plus loin que les exigences pour les élevages de plein air. Christian Rüede est lui aussi un paysan qui a opté avec le label Bourgeon pour le renoncement aux pesticides de synthèses et aux engrais chimiques, ce qui ménage la vie du sol et les eaux tout en favorisant la biodiversité. Et les champs qui auront accueilli les cochons vont être ensemencés avec du maïs parce que les reliquats que les cochons laissent derrière eux conviennent particulièrement bien à cette culture – c’est presque un exemple parfait de cycle fermé des éléments nutritifs.

22,2 kg de viande de porc par année et par habitant

Pour la viande porc, la Suisse est plus ou moins en autoapprovisionnement; plus de 96 pourcents des 22,2 kilos de notre consommation annuelle de viande de porc par habitant proviennent de la production indigène. Lori Spuhler s’occupe lui-même chaque année d’une cinquantaine de bêtes de la naissance à l’abattage, et il les mène lui-même à l’abattoir le plus proche. Il va de soi pour lui qu’il doit les accompagner jusqu’à leur dernier souffle et qu’il doit estimer leur viande à sa juste valeur: Il la fait rassir deux semaines chez son boucher ou la fait transformer en charcuteries Bourgeon de haute qualité sans additifs inutiles.


La qualité de la viande qu’il est à même de proposer grâce à son travail très cohérent est sans nul doute supérieure, et elle apporte sa contribution à convaincre de plus en plus de consommateurs à payer un peu plus pour des produits vraiment bons. Ceux qui savent ce qui se cache derrière les élevages porcins de haute qualité come celui de l’Ifanghof ne peuvent qu’être prêts à franchir ce pas.

Auteur: Michael Martin
Partager